Vous découvrez, une fois de plus, une trace dans la culotte de votre enfant. Il sent mauvais, il se cache, et vous vous sentez démunis, face à ce qui ressemble à un manque d’hygiène ou même à une provocation. Avant de vous énerver, arrêtez-vous. L’encoprésie, ou ces fuites de selles, n’a presque rien à voir avec la volonté de votre enfant. C’est le symptôme visible d’un problème caché : un cercle vicieux de constipation dont il est la première victime.
Comprendre ce mécanisme est la clé pour l’aider efficacement et avec bienveillance.
Qu’est-ce que l’encoprésie, vraiment ?
L’encoprésie est l’émission répétée et involontaire de selles normalement formées (ou liquides) à des endroits inappropriés (dans la culotte), chez un enfant de plus de 4 ans. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’enfant qui en souffre est le plus souvent constipé. C’est ce paradoxe qu’il faut décrypter.
Le mécanisme infernal : le cercle vicieux expliqué pas à pas
Imaginez le système digestif de votre enfant comme un tuyau d’arrosage. Voici comment le « bouchon » se forme et provoque les « fuites ».
Étape 1 : La douleur initiale Tout commence souvent par une selle dure et douloureuse à évacuer. Cette expérience, même si elle n’a eu lieu qu’une ou deux fois, laisse une marque forte. L’enfant associe « aller à la selle » avec « douleur ».
Étape 2 : La rétention volontaire Pour éviter de revivre cette douleur, l’enfant prend une décision logique pour lui : il va se retenir. Il contracte ses muscles, ignore l’envie, et refuse d’aller aux toilettes. Il peut devenir très doué pour ça, au point que les parents ne s’en rendent même pas compte.
Étape 3 : L’élargissement du « réservoir » Les selles continuent de s’accumuler dans le rectum, qui est la dernière partie de l’intestin. Pour faire de la place, le rectum s’étire, comme un ballon de baudruche qu’on gonfle un peu plus chaque jour. Problème : en s’étirant, il perd sa sensibilité. Le signal « j’ai besoin d’aller aux toilettes » devient de plus en plus faible, jusqu’à disparaître.
Étape 4 : L’échappée et la fuite Le rectum est maintenant rempli d’une masse de selles dures, anciennes et compactées (le « bouchon »). Mais l’intestin continue son travail. De nouvelles selles, plus molles et liquides, arrivent derrière ce bouchon. N’ayant nulle part où aller, elles s’infiltrent doucement le long des parois du rectum et s’échappent dans la culotte, sans que l’enfant ne le sente ni ne puisse le contrôler. C’est ça, l’encoprésie.
Étape 5 : La honte et le renforcement du cercle L’enfant est accusé d’être « sale », il est puni. La honte et l’anxiété augmentent. Le stress est un facteur connu pour ralentir le transit. Pour ne plus subir de reproches, il va se retenir encore plus… et le cercle vicieux se referme, plus fort qu’avant.
Comment briser le cycle et soigner l’encoprésie ?
Le traitement vise deux objectifs : vider le réservoir et l’empêcher de se remplir à nouveau.
1. La première étape : le « débouchage » Il est impossible de rééduquer un intestin plein. La priorité est de vider le rectum de la masse de selles accumulées. Cette étape doit se faire sous contrôle médical. Le pédiatre pourra prescrire des laxatifs oraux ou des lavements (micro-lavements) sur une courte période pour « nettoyer » le réservoir en douceur.
2. La deuxième étape : la prévention de la rétention Une fois le « réservoir » vide, il faut l’empêcher de se re-boucher le temps que le rectum retrouve sa taille et sa sensibilité normales. Cela peut prendre plusieurs mois.
- Des selles molles tous les jours : C’est la règle d’or. Le médecin pourra prescrire un laxatif « de fond » (souvent à base de fibres comme le PEG) à donner chaque jour. Le but n’est pas de provoquer la diarrhée, mais d’assurer une selle facile et indolore à évacuer.
- Une routine toilette incontournable : Instaurez un moment « pause toilette » de 5 à 10 minutes, 15 à 30 minutes après chaque repas. Le réflexe gastro-colique (l’intestin qui se met en mouvement après avoir mangé) est le meilleur allié. Ne forcez pas, mais insistez sur la régularité. Mettez un petit marche-pied sous ses pieds pour une position physiologique optimale.
- Une alimentation riche en fibres et en eau : Privilégiez les fruits (pruneaux, kiwis, figues), les légumes verts, les légumineuses (lentilles, pois chiches) et les céréales complètes. Assurez-vous qu’il boit suffisamment d’eau tout au long de la journée.
L’aspect émotionnel : le plus important des traitements
- Dédramatisez et rassurez : Expliquez-lui avec des mots simples que « son ventre est malade » et que « ce n’est pas de sa faute ». Dites-lui que vous allez l’aider à le soigner.
- Ne punissez jamais : La punition ne ferait qu’aggraver son anxiété et donc sa constipation.
- Valorisez l’effort, pas le résultat : Félicitez-le pour être allé s’asseoir sur les toilettes, même s’il n’a rien fait. C’est l’effort qui compte.
En conclusion
L’encoprésie est un problème médical, pas un trouble du comportement. Votre enfant n’est pas « sale » ou « paresseux », il est bloqué dans un mécanisme physiologique qu’il ne contrôle pas. Avec de la patience, une bonne hygiène de vie, un suivi médical adapté et beaucoup d’amour, ce cercle vicieux peut et doit être brisé pour lui rendre sa sérénité et son estime de soi.
